Visite de Semur-en-Auxois
Après une brève traversée de la dépression de l’Auxois qui s’étend du bloc granitique du Morvan à l’ouest au premier contrefort de la « montagne » au nord, pays de terres grasses et humides propices à l’élevage, nous pénétrons dans Semur-en-Auxois. Perché sur son éperon granitique qui domine la boucle serrée de l’Armançon qui coule au fond d’une vallée très encaissée.
Semur est une petite ville de 4 200 habitants (moins qu’en 1900), qui doit son nom à « sine murus » qui signifie « vieille muraille ». La légende veut que cette ville ait été fondée par Hercule grâce à des fragments de silex. On sait que le site était occupé dès le néolithique, puis durant la période gauloise, délaissé ensuite au profit d’Alésia et enfin repeuplé après les grandes invasions germaniques du 5ème siècle.
En 722. Il est fait mention d’un castrum, longue muraille d’environ 800 mètres ponctuée de 18 tours. Pendant des siècles, Semur subira l’arbitrage féodal. Ce n’est qu’en 1276 que Semur obtiendra sa charte d’affranchissement accordé par le duc de Bourgogne Robert II. Cet attachement profond au duc de Bourgogne déplaît à Louis XI qui, en représailles, ordonnera la démolition d’une grande partie de la ville. En 1602, sur ordre d’Henri IV, les courtines reliant les tours seront rasées.
Malgré un incendie en 1593 qui détruisit 270 maisons, Semur, cité prospère, siège du baillage de l’Auxois est, jusqu’au XVIIIème siècle, la principale ville de l’ouest de la Côte-d’Or. Elle perd progressivement de sa prérogative et est reléguée aujourd’hui derrière Châtillon-sur-Seine et Montbard.
En compagnie de notre guide, nous accédons aux différentes parties qui protégeaient le donjon par une rue pavée à l’ancienne, bordée de belles maisons en pierre (dès le XVème siècle, il est fait mention de « maisons en pierre couvertes de laves »).
La vieille ville médiévale garde encore ses maisons à pans de bois, encorbellements, échoppes en rez-de-chaussée aux portes rabattantes appelées « volets » qui servaient d’étals (d’où l’origine de l’expression : « trier sur le volet »).
Dominant la ville, l’église Notre-Dame, imposant vaisseau de pierre, fut construite au XIIIème siècle sur l’emplacement d’une église romane devenue trop petite. Elle servira un temps de restaurant, d’abris pour les foires annuelles. Incendiée à deux reprises, elle sera restaurée au 19ème siècle par Violet-le-Duc.
Une rapide visite permet d’admirer le cœur entouré de son triforium du XIIIème siècle, des statues, des tableaux et autres vitraux, certains insolites comme celui offert par l’armée américaine ou bien ceux des chapelles des drapiers et des bouchers rappelant les métiers du Moyen-Âge.
Par la rue des Remparts, nous pénétrons dans l’enceinte du château, immense forteresse du XIIIème siècle dont il ne reste que quatre tours : la tour Margot (accolée au théâtre) qui servit d’entrepôt et la tour de la Géhenne de grenier à sel ; la tour de la Prison et la tour de l’Orle d’Or (1274) aux dimensions impressionnantes : 15 mètres de diamètre, des murs de 6 mètres d’épaisseur et une hauteur côté rivière de 44 mètres. Devant cette tour, existe encore un puits creusé dans le granit, le plus profond de Semur (32 mètres).
À proximité, voici la très belle promenade des remparts, plantée de quatre rangées de tilleuls. De là, grâce à un arasement partiel des fortifications de l’ancien castrum, nous surplombons la vieille ville basse qui s’est développée au bord de l’Armançon et les faubourgs qui accueillaient les activités économiques de la cité (moulins, foulons, séchoir à peaux) mais aussi les cultures en particulier la vigne (1/3 des surfaces cultivables de Semur et de ses alentours) qui disparaît à l’arrivée du phylloxera.
En revenant vers le centre-ville, nous admirons de très beaux hôtels particuliers (une quinzaine dans différents quartiers de Semur) construit au cours du XVIIIème siècle et qui aujourd’hui, pour la plupart, servent de logements ou d’hôtels de luxe. Parmi ceux-ci, l’ancien hôtel des gouverneurs ayant appartenu à la famille du Châtelet et qui fut transformé en hôpital au début du XVIIIème siècle. Cet hôtel fut la résidence d’Émilie du Châtelet, mathématicienne et physicienne, rivalisant avec les plus grands scientifiques et lettrés de son époque et qui fut le grand amour de Voltaire.
À midi, nous nous rendons au lycée Anna Judic pour prendre notre déjeuner à l’école hôtelière Bernard Loiseau où nous fut servi un excellent repas.
L’après-midi sera consacré à la visite de Moutiers-Saint-Jean, petit village situé à une quinzaine de kilomètres de Semur.
Visite de Moutiers-Saint-Jean
Sur ce site, Jean l’Ermite vivait dans une simple cabane, d’autres maisons suivront. Jean parti, un moine Macaire construisit une abbaye qui obéit à la règle de Saint-Benoît. De simple abbaye, la bâtisse devient un immense complexe : église monumentale, entrepôts pour les grains et le vin, puis un grand bâtiment d’habitation de 70 mètres de long pour les moines. Elle sera même la rivale de l’abbaye de Cluny, mais elle perdra rapidement de son importance au début du 17ème siècle. Seuls vivaient là quatre moines sans convers (religieux employés aux travaux domestiques, exclus des ordres sacrés).
Au milieu du XIXème siècle, église et entrepôts furent entièrement rasés. Il ne reste aujourd’hui que le bâtiment qui servit de ferme. Depuis 10 ans, son propriétaire actuel consacre tout son temps et son argent à la réhabilitation des lieux. Avec notre guide, on accède à la galerie des Moines par un majestueux escalier en pierre protégé par une belle rampe en fer forgée malheureusement vandalisée, à laquelle manquent des médaillons dorés.
Tout au long de ce corridor qui servait de déambulatoire, s’ouvrent les cellules des moines (de 20 à 25 m²) et le logement de l’évêque pourvu, luxe à l’époque, d’une salle de bain où trône une baignoire que l’on remplissait en eau puisée directement dans un puits intérieur.
Le propriétaire actuel s’efforce de redonner vie à toutes ces pièces : murs et plafonds recrépis, repeints. Puis avec courage et détermination, il les décore : tableaux, cheminée, lustres, tapis, piano, tables de jeux, canapés, fauteuils, meubles anciens, vaisseliers…
La visite se termine par une promenade dans le jardin jouxtant la bâtisse et d’où nous avons une vue superbe sur la campagne verdoyante aux formes arrondies, typiques de l’Auxois.
À quelques pas du « château », fut construit l’ancien hôpital. En 1650 un lazariste arrive à Moutiers, dirige l’abbaye et crée la confrérie des Dames de la Charité, chaque infirmière ayant à sa charge 6 ou 7 malades. Grâce aux capitaux recueillis auprès des habitants, des dons de Louis XIV et de l’évêque de Langres, naît l’hôpital Rochechouart, modeste bâtisse de deux salles, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes.
En 1843, l’hôpital s’agrandit d’une salle supplémentaire permettant ainsi la création d’une chapelle. L’apothicairerie créée au 17ème siècle, sera fermée en 1932. Elle aurait pu disparaître, mais grâce à des bénévoles qui assurent la visite et l’entretien, on peut aujourd’hui visiter deux salles. L’une consacrée à la vaisselle en étain et l’autre aux 220 pots, « pots chevrette » et autres « pots à canon », exposés dans un très beau présentoir en chêne. Les pots contenant les « simples » proviennent tous de la manufacture de Nevers, réputée pour son bleu unique.
Avant de quitter Moutiers, nous avons visité le jardin Coeurderoy remarquablement entretenu, entouré de ses hauts murs, qui alimentait l’hôpital en « simples ».
Texte : Monique MORIN
Photos : Bruno MANZONI, Jean-Claude LEGRAS
MàJ : 19/06/2024